Par jouer, n’entendez pas répéter ou balancer. Entendez « jouer » : pas une seule fois nous ne verrons les Tinariwen se préparer, s’ajuster. Ils sont prêts, ils ne laissent voir aucune angoisse. S’ils jouent, c’est parce que ce c’est ce qu’ils font pour laisser passer les heures, ce qu’ils aiment. A un moment, une fois les gagnants arrivés, une fois terminé l’apéro improvisé dans la cour, ils seront prêts, ils le signifieront en s’habillant : les t-shirts disparaissent sous les habits touaregs, les turbans s’enroulent autour des têtes. Des habits traditionnels en bleu satiné, des babouches, et par dessus, une basse, une guitare électrique. Derrière, sur le tapis, des amplis.
Il y a dans cette musique touareg une maîtrise incroyable de la montée en puissance. Les Tinariwen ne vous prennent pas par surprise, ils vous accompagnent lentement, sûrement, vous font perdre la tête en vous berçant d’abord. Il y a ce vieil homme qui n’est là que pour ça, poser le rythme, dessiner la danse. Il y a ce chanteur incroyable, qui est venu alors qu’il est malade, épuisé : il est hiératique, émacié, mais sa prestance sidère. Il y a ces jeunes musiciens qui prennent acte de la liberté, occupent l’espace, vous emmènent avec eux. Vous dodelinez, puis vous tapez dans vos mains, et vous vous levez, vous dansez, sans y avoir réfléchi. L’appartement de Quentin a été ce soir là envouté, tout en souplesse.